Des résidus de pesticides dans les fraises du Québec

Depuis quelques années, les producteurs de fraises du Québec tentent de se distancier d’une liste américaine qui place la fraise parmi les fruits et légumes les plus contaminés par des résidus de pesticides. Or, la majorité des échantillons de fraises du Québec analysés par le ministère de l’Agriculture des Pêcheries et de l’Alimentation au cours des dernières années contiennent eux aussi des résidus de pesticides.
On savait que les fraises cultivées aux États-Unis, que l’on retrouve à l’épicerie, contiennent pour la plupart des traces de pesticides. Le palmarès américain des « douze salopards », qui répertorie la liste des 12 fruits et légumes qui contiennent le plus de résidus de pesticides, place régulièrement le petit fruit rouge en première place.
Mais qu’en est-il au Québec? Pendant longtemps, le MAPAQ a refusé de rendre public son rapport sur la présence de pesticides dans les fruits et les légumes.
À tel point que le vérificateur général du Québec déplorait, en 2016, le fait que les citoyens n’ont pas accès à toute l’information pertinente
quand vient le temps de faire le suivi de la présence de pesticides dans les aliments
.
Le MAPAQ semble avoir entendu la critique et nous a finalement donné accès à une base de données partielle rapportant les résultats de tests effectués sur des échantillons de fraises entre 2007 et 2016.
Ces informations révèlent que 81 % des échantillons de fraises analysés contenaient les résidus d’au moins un pesticide; du lot, 17 % contenaient plus de cinq pesticides différents. Sur l’ensemble des résidus de pesticides retrouvés sur les fraises, 14 sont des cancérigènes possibles ou probables, dont le captane et le tétraconazole (deux fongicides) et le bifenthrine (un insecticide). Sur les 211 échantillons analysés, dans un seul cas, soit 0,47 %, la limite maximale de résidus de pesticides fixée par Santé Canada a été dépassée.
Onil Samuel, conseiller scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec, s’interroge sur la façon de procéder du MAPAQ. Pourquoi avoir arrêté le compte à cinq résidus? Pourrait-on avoir la base de données dans son entièreté? On ne sait pas combien de fois ces produits individuels ont été mesurés au-delà des valeurs maximales permises.
Sur le fait qu’un seul échantillon sur 211 dépassait la limite maximale de résidus, M. Samuel n’y voit rien de réconfortant.
Même si on respecte les niveaux de risque, certains produits ont des effets toxiques potentiels. Une dizaine [d’entre eux] sont des cancérigènes possibles ou probables et qui ont, par exemple, des effets endocriniens.
L’Association des producteurs de fraises et framboises du Québec défend les pratiques de ses membres. Elle soutient que les aliments ne présentent aucun risque pour la santé, car les limites maximales de résidus de pesticides sont fixées par Santé Canada. Des traces de pesticides certes, mais à des doses extrêmement faibles, qui sont de 100 à 3000 fois inférieures à la dose qu’une personne peut ingérer sans nuire à sa santé.
Des études non indépendantes
Maryse Bouchard, professeure au Département de santé environnementale de l’Université de Montréal et santé au travail CHU Sainte-Justine, voit la chose autrement. On sait que les études sur lesquelles l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada se base pour fixer les limites maximales de résidus de pesticides sont en vaste majorité issues de l’industrie. C’est un manque d’indépendance qui n’est pas souhaitable. Il y a un biais potentiel puisqu’il y a toutes sortes de façons de faire des études. Certains choix méthodologiques peuvent faire en sorte qu’on ne va pas observer certains effets qu’on trouverait autrement.
L’autre source d’inquiétude, selon la chercheuse, c’est l’effet cocktail. Les limites maximales de résidus fixées par Santé Canada sont déterminées pour chaque pesticide pris isolément.
La communauté scientifique peinait jusqu’à tout récemment à évaluer l’effet combiné de l’ingestion de plusieurs résidus de pesticides présents sur un même aliment. Maryse Bouchard nous a fait part d’une récente étude qui semble toutefois indiquer l’apparition de complications comme « une condition pré-diabétique, une prise de poids et des problèmes hépatiques ».
En manger, mais bien les laver
Quoi qu’il en soit, les scientifiques s’entendent pour dire qu’il faut tout de même continuer de manger des fraises pour les bienfaits nutritionnels associés à leur consommation.
Mais il faut impérativement les laver à l’eau courante pour éliminer le plus de traces de pesticides, une pratique qui fait disparaître une partie – seulement – des résidus.