Le réseau des CPE en ordre de bataille contre le déploiement des maternelles 4 ans

Plus de 20 000 Québécois ont signé une pétition en ligne sur le site de l’Assemblée nationale pour demander au gouvernement Legault d’abandonner son projet de déploiement universel des maternelles 4 ans. Ils veulent que Québec se concentre sur l’accessibilité et le renforcement du réseau des centres de la petite enfance.
En conférence de presse, lundi matin à Gatineau, le Conseil québécois des services éducatifs de la petite enfance (CQSEPE) et la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ-CSQ) ont invité tous les parents du Québec à signer cette pétition, lancée en décembre dernier. Un exercice similaire avait eu lieu la veille à Montréal.
Selon Isabelle Lebrun, administratrice du CQSEPE, les gestionnaires du réseau des services éducatifs en CPE et en milieu familial public continueront d’inciter les parents à signer la pétition jusqu’au 20 mars prochain, afin de témoigner de leur « désaccord » et de leur « incompréhension » face à « l’obsession du gouvernement Legault » de concrétiser ce projet.
« Nous nous battons pour faire comprendre aux instances concernées qu’il faut plutôt prioriser et renforcer les milieux existants, qui offrent déjà des services de qualité aux tout-petits, des services qui répondent en tous points aux besoins développementaux réels de ceux-ci et qui permettent d’assurer le dépistage précoce dès la première journée de leur fréquentation », fait-elle valoir.
Le premier ministre Legault et son ministre de l’Éducation Jean-François Roberge ont défendu leur projet la semaine dernière en soulignant que le réseau scolaire est plus à même d’offrir du soutien aux enfants qui ont des problèmes d’apprentissage, parce qu’on y trouve plus de professionnels, comme des orthophonistes ou des psychologues, par exemple.
Les CPE défendent leur travail de dépistage
Isabelle Lebrun plaide pour sa part que les éducatrices en CPE sont parfaitement capables de dépister qu’un enfant présente des problèmes d’apprentissage « en se basant sur les observations ». Elles le font même « tous les jours », soutient-elle.
« Si on observe que cet enfant-là présente des besoins, on n’a pas d’attente à avoir, nous. On rencontre les parents, on vérifie avec eux s’ils croient que c’est important d’aller voir pour des services », a-t-elle fait valoir.
« Si l’enfant a des besoins qui sont vraiment importants, on a même droit à certaines subventions qui nous permettent d’aller chercher des services supplémentaires pour permettre l’intégration de cet enfant », a-t-elle ajouté. Des subventions qui permettent aux enfants de rester un an de plus en CPE sont aussi disponibles, a ajouté Mme Lebrun.
Quand on dépiste un enfant qui a des besoins, c’est très rapide. On n’est pas dans un gros système, on est dans quelque chose d’immédiat. L’enfant a des services rapidement, toujours en visant [que] cet enfant soit prêt pour l’école et entre à l’école dans une classe régulière, qu’il soit déjà évalué, qu’il soit déjà prêt.
Mme Lebrun a toutefois admis à demi-mot que le réseau aurait besoin de plus de spécialistes pour venir en aide aux enfants.
Un choix discutable
« Plutôt que d’investir de l’argent pour consolider ce réseau, et lui permettre de travailler en collaboration avec davantage de spécialistes au niveau de la santé et des services sociaux, on veut réinvestir des millions supplémentaires dans un autre réseau », a-t-elle laissé tomber.
La CQSEPE et FIPEQ-CSQ ont obtenu l’appui du député libéral de Pontiac, André Fortin. « On croit que les maternelles 4 ans, ça peut être bon, mais de le faire mur à mur, comme ça, unilatéralement, quand il y a énormément de questions [qui] se posent, ce n’est pas le moment pour le faire », a-t-il dit.
M. Fortin a pourfendu le plan de la CAQ, qui consiste, selon lui, à « prendre des enfants qui sont épanouis en CPE, des enfants qui ont un service professionnel en CPE, qui ont accès à un service spécialisé dans certains cas […] et, envers et contre tous, à envoyer ces enfants dans des écoles ou les ressources devront être partagées » avec les autres enfants du primaire.
« Ce que le gouvernement veut faire se fait déjà en CPE en ce moment », a-t-il dit.
Dans les faits, la CAQ veut que tous les enfants de 4 ans aient une place en maternelle dans des écoles primaires à l’automne 2023, mais il n’est pas question de rendre ce service obligatoire. Les parents qui gardent leurs enfants à la maison, ou qui les envoient dans un service de garde, public ou privé, pourront continuer de le faire.
À l’heure actuelle, les maternelles 4 ans ne sont offertes que dans les milieux les plus défavorisés, mais le gouvernement Legault prévoit étendre l’offre aux enfants de tous les milieux socio-économiques dès la rentrée 2019.
Selon le député Fortin, le projet de la CAQ pourrait retarder la construction de nouvelles écoles en Outaouais. « Le message que M. Roberge et M. Legault envoient à ces écoles, c’est que les écoles qu’on attend depuis des années devront attendre encore plus longtemps, parce que les projets prioritaires vont être ceux des maternelles 4 ans », a-t-il déploré.