On a vu Hold-up: des petits trous, des petits trous, toujours des petits trous…
Le 29 novembre 1989, dans le ciel wallon, j’ai vu un OVNI. Indiscutablement. Pas l’un de ces triangles noirs dont on a beaucoup parlé durant la “vague belge” de l’époque, plutôt une boule extrêmement lumineuse, très rapide, semblant dégager une énergie folle et se déplaçant dans les airs de la façon dont le font les mouches, virant selon des angles secs. Plus de 30 ans plus tard, je ne sais toujours pas ce que c’était. Une chose dont je suis certain, c’est que ce n’était pas une illusion, la planète Vénus, un ballon-sonde ou un hélicoptère. Une autre chose dont je suis certain, c’est que je n’ai jamais été satisfait par une seule des explications plus tard apportées par des gens qui n’étaient pas sur place. Je suis un gosse typique des années 1970, gavé dès le plus jeune âge de science-fiction: Goldorak, Capitaine Flam, Cosmos 1999, le Temps X des Frères Bogdanoff, Star Wars, L’Âge de Cristal, Métal Hurlant, Valérian & Laureline… Il paraît que cela prédispose à voir des OVNI. Seulement voilà: en 1989, j’avais 20 ans et avec toute l’arrogance de cet âge là, j’avais rejeté toute cette culture SF de mon enfance. À 20 ans, je n’en avais tout simplement rien à foutre des petits hommes verts et des soucoupes volantes. J’aimais Jim Jarmusch, Henry Miller, Richard Brautigan, les Doors, les Stone Roses et la new-beat… Je me serais donc bien passé de voir un OVNI. Déjà, parce que c’est comme si l’enfance que je venais de rejeter se vengeait à échelle cosmique. Et puis, surtout, parce que cela vous bouscule sérieusement, ces choses-là. Cela vous creuse un trou dans le coeur et dans l’esprit.
Que j’ai voulu colmater. Alors, je me suis mis à lire des bouquins que je n’avais jamais eu l’intention de lire, qu’avec la haute estime de la littérature et du journalisme que j’avais déjà, je méprisais même carrément. Je me suis encombré le cerveau d’un “savoir” sur Roswell, sur la propulsion antigravitationnelle et sur cette théorie voulant que le Président Kennedy ait été assassiné par son chauffeur à l’aide d’une arme venue d’ailleurs pour l’empêcher d’annoncer au monde l’existence d’une conspiration interplanétaire. Je sais qui est Milton William Cooper, je sais comment les ufologues considèrent la Commission Trilatérale. Je vois ce qu’est le Projet Serpo et je ne mange jamais de glace à la fraise sans penser que c’était censé être la nourriture préférée d’un Petit Gris détenu dans un laboratoire secret de l’Air Force. Ce trou dans le coeur et l’esprit, je l’ai bourré de tonnes et de tonnes d’informations de ce calibre. Avant de me rendre compte que loin de colmater le trou, cela l’élargissait. En espérant trouver une réponse satisfaisante à une simple question – “c’était quoi ce putain de truc au-dessus d’Andrimont?”, je me suis retrouvé à emmagasiner des visions du monde, de ses soi-disant secrets et de l’univers toutes plus inutiles et branquignoles les unes que les autres. En rigolant bien, j’ai rejeté beaucoup de ces théories. Mais j’ai sérieusement adhéré à d’autres. Et puis un jour, j’en ai eu marre. Ce n’était plus un trou que j’avais dans le coeur et l’esprit, c’était un cratère. Un cratère jamais rassasié, toujours affamé.