Comment photographier un trou noir
Le premier portrait d’un trou noir est sur le point d’être publié. Au-delà de l’exploit technique, ce cliché devrait aider les scientifiques à comprendre ces objets cosmiques qui défient les lois de la physique.
Imaginez un animal vorace mais farouche, passé maître dans l’art du camouflage. On a déjà aperçu ses empreintes, trouvé les restes de ses repas. Certains disent qu’ils ont senti son souffle, mais personne ne l’a jamais vu. Dragon, yéti, monstre marin, qu’importe, il s’agit là des prémices de nombreuses légendes.
C’est aussi, avec moins de magie et plus d’équations, la fascinante histoire des trous noirs, ces géants cosmiques compacts et si massifs que rien ne peut s’en échapper, pas même la lumière.
Leur réalité ne fait aucun doute ; mais il n’y a aucune preuve directe de celle-ci… pour l’instant. Car d’ici quelques semaines, les astronomes pourront admirer la première « photographie » officielle de Sagittarius A* (prononcez « A étoile »), le colosse qui trône au cœur de notre galaxie, à quelque 26 000 années-lumière de la Terre. Un cliché historique qui validera du même coup l’existence de ces étranges objets.
L’image, qui est attendue fébrilement depuis plus d’un an, est le fait d’armes de l’Event Horizon Telescope (EHT), un réseau de huit radiotélescopes répartis sur quatre continents. En agissant de concert, par « interférométrie », ils constituent un télescope au diamètre équivalent à celui de la Terre. Une telle alliance était nécessaire pour voir la bête : même si sa masse est celle de quatre millions de Soleil, Sagittarius A* est si dense que le voir depuis la Terre équivaut à repérer une balle de golf sur la Lune, cachée dans un nuage de poussière. Il faut, pour cela, un pouvoir de résolution 2 000 fois supérieur à celui du télescope spatial Hubble !