Ce lac pourrait obtenir des droits similaires à ceux d’une personne
Un plan d’eau peut-il avoir des droits, à l’instar d’un être humain ? C’est la très sérieuse question qui sera posée aux habitants de la ville de Toledo (Ohio), dans le nord-est des États-Unis, mardi prochain. Ils devront se prononcer, lors d’un référendum local, sur une « déclaration des droits » du lac Érié, qui borde la ville et s’étend jusqu’au Canada.
Le onzième plus grand lac du monde « et son bassin-versant ont le droit d’exister, de prospérer et de se développer naturellement », dit notamment le texte qui serait ajouté à la Charte de la Ville s’il était approuvé.
Un acte symbolique ? Pas vraiment. Si le « oui » l’emporte, des justiciables pourront s’appuyer sur cette charte pour poursuivre des pollueurs, explique le New York Times. Aujourd’hui, cela n’est pas possible : les lacs et autres déserts n’ont pas de statut juridique particulier, précise encore le quotidien américain.
Même si les partisans du « oui » reconnaissent que ce texte de loi pourrait être facilement contesté en justice, ils espèrent que cette « déclaration des droits », si elle était adoptée, fasse jurisprudence.
Algues toxiques et rejets de phosphore
Derrière cette proposition, il y a une association locale de défense de l’environnement, « Les habitants de Toledo pour une eau sûre ». Ses membres ont récolté plus de 10 000 signatures pour inscrire cette proposition de « déclaration des droits » du lac à l’ordre du jour pour le scrutin du 26 février, précise le journal local Toledo Blade. Le comité électoral local en a validé plus de 6 400, un chiffre suffisamment élevé pour que cette proposition soit soumise à un référendum.
L’association a été fondée après une catastrophe écologique qui s’est déroulée en 2014. En plein mois d’août, 400 000 habitants de la région ont été privés d’eau courante pendant trois jours. Le lac Érié, où la ville puise son eau potable, était touché par une explosion du nombre d’algues toxiques. Leurs toxines peuvent engendrer des dysfonctionnements du foie, notamment. C’était le paroxysme d’une crise environnementale qui couve depuis des années.
« Une augmentation excessive d’algues menace l’écosystème du lac Érié, qui fournit de l’eau courante à 12 millions de personnes aux États-Unis et au Canada », prévient l’Agence américaine de protection de l’environnement sur son site internet.
L’apparition de ces algues serait due à des écoulements de phosphore, provenant eux-mêmes des sites d’élevage industriel de bovins ou des terres agricoles gorgées de fertilisants, expliquait un article du New York Times de 2014. « De tous les Grands Lacs, le lac Erié est le plus exposé à la pression liée à l’urbanisation, à l’industrialisation et à l’agriculture. Il reçoit plus de ruissellements venus de stations d’épuration que tous les autres », relèvent encore les autorités américaines.
Toledo se trouve en plein Midwest, le « grenier » des États-Unis. La région compte plus de 51 millions d’hectares de terres agricoles, selon le Département de l’agriculture américain. Et si la « déclaration des droits » du plan d’eau était adoptée la semaine prochaine, « des milliers de petites exploitations agricoles pourraient être poursuivies pour avoir pollué le lac et se retrouveraient contraintes de mettre la clé sous la porte », se sont inquiétés des agriculteurs, dans le New York Times. Mais plusieurs habitants de la ville et des élus locaux interrogés par le quotidien pensent que la mesure a « de bonnes chances » d’être adoptée.